L’industrie de la mode est-elle en train de changer notre regard sur les seniors ?

L’industrie de la mode est-elle en train de changer notre regard sur la société

Les femmes de plus de 55 ans représentent une part importante de la population féminine en Europe, avec 41% des femmes en France, 40% en Belgique et 38% en Royaume-Uni. Elles vivent dans des ménages qui ont un pouvoir d’achat élevé, plus élevé même que l’ensemble des ménages pour celles qui ont entre 55 et 64 ans. Malgré le potentiel de cette cible, l’industrie de la mode a longtemps semblé les oublier, ou du moins choisi de ne pas les représenter dans ses campagnes de publicité. Le secteur de la mode relayait jusqu’à présent une image quasi-exclusivement très jeune de la femme.

Mais depuis quelques années, les femmes « matures », « seniors » font leur apparition dans les campagnes publicitaires. Tendance de fond ou opportunité médiatique ?

L’arrivée de femmes plus âgées dans des campagnes publicitaires pour des produits qui s’adressent à tous les âges s’est faite progressivement. Citons en précurseurs M.A.C. (marque de cosmétiques) qui a choisi comme égérie en 2011 Iris Apfel, 90 ans alors ; ou encore American Apparel, avec Jacky O’Shaughnessy, en 2014, qui, à 62 ans posait pour de la lingerie dans des positions plutôt athlétiques. Si ces campagnes ont marqué par leur côté franchement décalé, le recours à des mannequins âgés s’est popularisé et commence à entrer dans la norme.

iris apfel for mac

jacky o shaughnessy american aparel

Les marques n’hésitent plus à choisir des égéries seniors

Les représentations de la femme mature sont en train d’évoluer, comme le constate la BBC : le nombre de mannequins seniors qui défilent lors des Fashion Weeks à Milan, Londres, Paris et New-York est plus important qu’il ne l’a jamais été. Lors des défilés pour la collection Printemps 2018, 27 avaient plus de 50 ans. Au-delà des défilés, de nombreuses marques de luxe, prêt-à-porter ou cosmétiques ont également choisi des égéries de plus de 50 ans. Citons par exemple le cas d’Isabella Rosselini, redevenue égérie Lancôme en 2016 à 64 ans, après avoir perdu ce titre à 43 ans car jugée trop âgée pour représenter la marque.

isabella rosselini lancôme

En 2014, Catherine Deneuve (71 ans à l’époque) posait pour Louis Vuitton. En 2015, la marque de luxe Céline avait choisi Joan Didion, 80 ans, pour la représenter. Les égéries ne sont plus forcément remerciées passé un certain âge, au contraire elles peuvent être accompagné par une marque dans leur vieillissement. C’est le cas par exemple de Jane Fonda, qui est toujours l’égérie de l’Oréal à 80 ans et reste très appréciée par les consommatrices.

jane fonda loreal

Les marques n’hésitent plus également à faire appel à des icônes nationales de plus de 70 ans pour promouvoir leur image dans les différents pays. Ainsi Helen Mirren au Royaume-Uni, Susan Sarrandon aux Etats-Unis, Catherine Deneuve en France sont régulièrement sollicitées.

Des agences de mannequin seniors

Il semblerait donc que les entreprises du secteur de la mode aient choisi d’intégrer dans leur image de marque des figures représentant la génération du Baby-boom et la génération silencieuse, jusqu’alors peu présentes dans leurs campagnes de publicité. Il faut dire qu’avec le vieillissement des Baby-boomers, les seniors sont de plus en plus nombreux et deviennent une cible stratégique pour les marques, qui cherchent à les séduire. Cela passe par la représentation de femmes mûres avec des codes vestimentaires qui correspondent à ceux du Baby-boom : jeans, tenues décontractées, qui se démarquent des générations précédentes.

En choisissant des icônes connues du grand public, qui ont fait leurs preuves, les marques capitalisent sur la dimension intemporelle de la beauté de ces égéries. Les marques du luxe et de la cosmétique mettent donc en avant des icônes avec une certaine notoriété, à l’exception de quelques maisons, comme par exemple Dolce & Gabbana, emblème de l’intergénérationnel dans ses publicités depuis quelques années. Les marques précurseurs de ce phénomène ont ensuite été suivies par d’autres et les figures présentées se sont diversifiées, avec de plus en plus de mannequins senior anonymes.

Selon Debra Bourne, co-fondatrice de All Walks Beyond The Catwalk (initiative anglaise qui challenge et récompense les entreprises de la mode pour une plus grande diversité des corps), l’émergence de mannequins seniors anonymes a été renforcée par la démocratisation des réseaux sociaux. Grâce à l’audience que suscitent leurs images, des inconnues traditionnellement hors cible peuvent attirer l’attention des marques.

Pour accompagner cette volonté des marques à représenter des femmes plus âgées, des agences de mannequin spécialisées ont également fait leur apparition. En France, la demande de mannequins seniors augmente chaque année, selon Sylvie Fabregon, fondatrice en 2005 de la première agence de mannequins spécialisée. Dans un contexte encore très marqué par le jeune âge des modèles, les marques qui choisissent des visages plus âgés se différencient et sont plus à même de satisfaire le désir d’authenticité des femmes du Baby-boom.

En effet, ces dernières années sont marquées par un changement de posture dans les médias vis-à-vis du vieillissement, avec un glissement de l’anti-âge vers l’acceptation du temps qui passe. Les signes du vieillissement ne font plus l’objet d’autant de tentatives d’invisibilisation.

Les codes de la publicité évoluent donc, à mesure que la société change son regard sur la vieillesse. Ce changement est favorisé par le vieillissement de la génération nombreuse du Baby-boom, qui désire se projeter dans une image positive de la longévité.

Source : Seniosphère Conseil

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